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Véritable main tendue ou cadeau empoisonné? Quelle est la portée de la dernière volte-face de Trump sur l'Ukraine?

Véritable main tendue ou cadeau empoisonné ?

Sep 25, 2025

Source principale: article d'Inès Chaïeb, Huffington Post le 24 septembre.

Dans une déclaration du mardi 23 septembre tenue en marge de l'Assemblée générale des Nations_Unies, le Président Trump a surpris tout le monde en se prononçant pour une reconquête par l'Ukraine de l'ensemble des territoires occupés. Emporté par sa logique impérialiste, Trump a même laissé entendre que l'Ukraine pourrait "aller plus loin", c'est-à-dire de s'emparer de territoires de la Russie, un objectif que personne ne défend en Ukraine. D'après le président américain, l’Ukraine serait en mesure de « regagner son territoire dans sa forme originelle et peut-être même aller plus loin ».
Le discours officiel de Trump qui s'est déroulé le lendemain a brutalement changé de ton. Plus question de l'Ukraine. La cible principale du président est l'Organisation des Nations Unies qui fournirait « de la nourriture, des abris, des moyens de transport et des cartes de crédit aux clandestins », pour leur permettre d’« infiltrer » la frontière sud des Etats-Unis. Annonçant que l'Europe allait vers l'enfer en raison de ses politiques migratoires et de sa volonté de freiner le réchauffement climatique, le président des Etats-Unis a repris à son compte les obsessions de l'extrême-droite dans un discours décousu et rageur qui a duré une heure et s'est déroulé en partie sans prompteur à cause d'une négligence des services de la Maison Blanche. Cet incident grotesque a été ensuite utilisé par Trump pour lancer de nouvelles salves contre les Nations Unies. En parallèle, depuis plusieurs semaines, le président des Etats-Unis accuse l'Europe d'être la complice de Poutine en raison des importations de gar russe par différents pays de l'Union Européenne. Il se garde bien de préciser que le principal importateur est la Hongrie, qui se détache de plus en plus comme un des rares pays d'Europe dont le gouvernement est complètement aligné sur Trump et s'efforce de briser toute initiative commune contre Poutine.

Nous reproduisons ici l'analyse d'Inès Chaïeb publié sur le Huffington Post le 24 septembre.

À quoi s’attendre après la volte-face de Donald Trump sur la guerre en Ukraine ?

Après des mois de rapprochement avec Moscou, Donald Trump a finalement affirmé ce mardi que Kiev était en mesure de récupérer les territoires ukrainiens envahis par la Russie.

Par Inès Chaïeb

Véritable main tendue ou cadeau empoisonné ? À contre-courant de la position qui est la sienne depuis plusieurs mois, le président américain Donald Trump a affirmé mardi 23 septembre, en marge de la 80e Assemblée générale de l’ONU à New York, que l’Ukraine était en mesure de « regagner son territoire dans sa forme originelle et peut-être même aller plus loin ».

Donald Trump et Volodymyr Zelensky ont également échangé lors d’une rencontre bilatérale le même jour. L’occasion pour les deux hommes d’apparaître devant la presse, côte à côte, sourire aux lèvres et pouce en l’air. Une image bien loin de celle de leur houleuse rencontre au Bureau ovale en février dernier, lorsque le président américain avait reproché à son homologue ukrainien son manque de reconnaissance vis-à-vis des alliés ainsi que son manque de coopération pour la résolution du conflit.

Bien qu’il ne précise pas quelles sont les frontières auxquelles il fait référence, Trump s’éloigne aussi nettement de ses prises de paroles des huit derniers mois, lorsqu’il appelait l’Ukraine à céder des territoires à la Russie - notamment la Crimée - pour obtenir la paix. Mais le changement de pied du milliardaire laisse les observateurs internationaux circonspects.

Un désengagement total des États-Unis ?

Pour Ulrich Bounat, géopolitologue spécialiste de la guerre en Ukraine interrogé par Le HuffPost, ce changement de ton s’explique par une forme de « dépit » du président américain. « Il est frustré que les négociations n’avancent pas, et il est déçu de Vladimir Poutine, dont il pensait que l’amitié permettrait de permettre une résolution rapide du conflit », explique l’expert.

Sans s’attarder sur les causes de cette rupture, Volodymyr Zelensky a quant à lui salué un « grand tournant ». Mais ce revirement peut-il réellement profiter à l’Ukraine ? Certes, la déclaration de Donald Trump « peut donner l’impression d’un nouveau revirement de la part de Donald Trump, qui prendrait le parti de l’Ukraine, contre une Russie qu’il estimerait faible » reconnaît Ulrich Bounat. Le président américain a d’ailleurs qualifié Vladimir Poutine de « tigre de papier » à l’ONU.

« Néanmoins, la fin de son message donne surtout le sentiment d’un désengagement total des États-Unis » dans le conflit, reprend-il. Dans les dernières lignes de sa prise de parole, le président américain souhaite « bonne chance aux deux pays » et « bonne chance à tous ». Puis, il conclut en indiquant que les États-Unis continueront de fournir de l’aide à l’OTAN pour qu’elle en fasse « ce qu’elle veut ».« C’est comme s’il se retirait et devenait un acteur externe. Au lieu de reconnaître son échec il préfère se désengager », décrypte Ulrich Bounat.

Par ailleurs, lorsque Donald Trump affirme que l’Ukraine est capable de reconquérir ses territoires perdus, il précise que cela se fera avec « avec le soutien de l’Union européenne », mais ne dit pas un mot du rôle des États-Unis.

Problème, souligne Ulrich Bounat, « on peut difficilement soutenir que les Ukrainiens peuvent reprendre leurs territoires sans l’aide des États-Unis ». « Ils sont capables de fournir des armes que les Européens n’ont pas ou pas dans d’aussi grandes quantités, comme les systèmes patriotes ou les missiles longue portée », précise le spécialiste, qui rappelle que l’Ukraine manque d’hommes. L’hypothèse d’une récupération des territoires ukrainiens est tout simplement « irréaliste à moyen terme », tranche l’expert.

Vers une intensification de l’offensive russe ?

Du côté de la Russie, les déclarations de Donald Trump ne peuvent être perçues que comme « une incitation à poursuivre la guerre », soutient Ulrich Bounat. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a d’ailleurs affirmé ce mercredi 24 septembre que la Russie n’a pas d’autre « alternative » que de poursuivre son « opération militaire spéciale pour assurer (ses) intérêts et atteindre les objectifs » fixés par Vladimir Poutine.

Faut-il alors s’attendre à une intensification significative de l’offensive russe dans les prochains mois ? Ce n’est pas certain. « Ces derniers mois, la Russie parvient à grappiller du terrain mais il n’y a pas de percée majeure. L’armée est presque totalement engagée, et n’a pas beaucoup de réservistes. En termes d’équipements, la Russie n’est pas non plus capable de faire un bond capacitaire », développe Ulrich Bounat. En somme, « aucune des deux parties n’est aujourd’hui en mesure de gagner la guerre ».

Les négociations pour un accord de paix sont quant à elles à l’arrêt. Donald Trump n’en fait plus mention – signe, là encore, de son désengagement.

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Les derniers propos de Trump vus d'Ukraine (extraits d'un article de Thomas d'Istria, Le Monde, septembre 2025)

Le chef de la commission parlementaire pour les affaires étrangères, Oleksandr Merejko, se montre réservé : « Je ne vois aucun engagement clair de Donald Trump et des Etats-Unis pour aider l’Ukraine à récupérer ses territoires. » Le député craint un désengagement pur et simple du président américain. « Lorsque Trump écrit : “Bonne chance à tous !” , cela peut avoir différentes significations, mais ça ressemble aussi à un adieu. »

Parmi les commentateurs de Kiev, le politologue Volodymyr Fessenko a salué, mercredi 24 septembre, le discours le plus positif de Donald Trump sur l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe. « Quel fossé émotionnel et politique immense », déclare, enthousiaste, l’analyste dans une tribune publiée par le média The New Voice of Ukraine. Il appelle toutefois à la prudence : « Pour l’instant, ce n’est que de la rhétorique, et cela pourrait ne pas suffire. »

Prudente elle aussi, la cofondatrice de l’ONG International Center for Ukrainian Victory et militante anticorruption, Olena Halushka, rappelle que « Trump change régulièrement d’avis de manière assez spectaculaire. Il est donc difficile de savoir ce qu’il se passera dans deux semaines ». Elle voit néanmoins deux aspects positifs dans la déclaration de l’Américain. Selon elle, la pression sur l’Ukraine pour qu’elle cède la région du Donbass afin de satisfaire Vladimir Poutine devrait s’atténuer. Les Etats-Unis devraient aussi, a priori, continuer de vendre à l’Europe des armes « dont l’Ukraine a désespérément besoin ».

Les initiatives diplomatiques des derniers mois ont laissé les Ukrainiens sceptiques sur la possibilité d’une issue négociée à court terme. Sur le front, les Russes continuent de tenter de pousser leur avantage face à la défense ukrainienne. A Kramatorsk, le revirement de Donald Trump fait sourire le commandant d’un bataillon d’infanterie. « C’est un enfant,lâche l’officier, qui a requis l’anonymat. Quand Zelensky l’énerve, il dit que Poutine est son meilleur ami, et quand c’est l’autre qui l’énerve, il dit que Zelensky est un héros. » Lui non plus ne croit pas aux négociations de paix avec la Russie pour le moment, puisque le Kremlin n’a publiquement renoncé à aucun de ses objectifs de guerre : démilitarisation du pays, changement de pouvoir, occupation du Donbass… « Tout ce que nous pouvons faire, c’est continuer de nous battre. Nous n’avons pas le choix. »

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Un contexte plus général qu'il faut rappeler

L'Assemblée générale des Nations Unies a été centrée cette année sur la question palestinienne dans le contexte atroce du nettoyage ethnique en cours à Gaza et du projet israélo-américain de de transformer cette partie de la Palestine en une Riviera du Proche-Orient vidée de ses habitants.

L'historien Jean-Pierre Filiu qui est parvenu à séjourner à Gaza pendant plus d'un mois entre décembre 2024 et janvier 2025. Il a publié un livre "Un historien à Gaza" dans lequel il conclut:

"Gaza, nous laisse entrevoir l’abjection d’un monde qui serait abandonné aux Trump et aux Netanyahou,  aux Poutine et aux  Hamas, un monde dont l’abandon de Gaza accélère l’avènement.

C’est pourquoi j’ai choisi de conclure ce livre en Ukraine, où la perspective d’un tel monde est aussi sombre qu’en Palestine. Oui, je parle de Gaza à Kiev, comme j’ai parlé de Kiev à Gaza, parce que aucun peuple n’a moins de droits qu’un autre, même s’il est plus faible, surtout s’il est plus faible ».

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