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Le Munich de l'Alaska : le sommet Trump-Poutine récompense l'agression et trahit l'Ukraine, par Christopher Ford

Il y a une alternative, que le mouvement syndical doit affirmer: « Une autre Ukraine est possible – Libérée de l'occupation »

Affiche pour un rassemblement organisé à Londres le 17 dimanche 17 août par l'Ukraine Solidarity Campaign, section britannique du RESU. Le rassemblement est co-organisée par l'organisation de gauche ukrainienne "Sotsialny Ruh".
Aug 18, 2025

Source: article publié en anglais par l'Ukraine Solidarity Campaign, section britannique du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU)

Traduit en français par le RESU-Belgique

Christopher Ford pense que c'est la fin du « tournant » vers l'Ukraine et le renforcement de l'axe Trump-Poutine
Il y a deux semaines, Washington a montré qu'il changeait de cap avec Moscou. Le président Trump a été tellement choqué par le meurtre de civils ukrainiens par la Russie qu'il a dit avoir envoyé deux sous-marins nucléaires américains plus près des eaux russes, tout en promettant de nouvelles sanctions sévères. Les commentateurs ont parlé d'un « tournant » vers l'Ukraine.

Ce tournant était une mascarade, il n'a jamais eu lieu.

Trump a décidé de remplacer l'aide directe à l'Ukraine par un accord commercial dans lequel les gouvernements européens paient la totalité du coût des armes, notamment de la défense aérienne. Un spectacle grotesque où Trump profite de la vulnérabilité de l'Ukraine, qu'il a lui-même contribué à créer. Il n'y a pas eu d'augmentation significative de l'aide militaire, même par le biais de ventes à l'Europe destinées à l'Ukraine.

La menace de Trump d'imposer des « droits de douane sévères » à la Russie et à ses clients pétroliers ne s'est finalement concrétisée que par des droits de douane sur l'Inde, épargnant la Chine, la Turquie et d'autres pays — une décision largement considérée en Asie comme relevant davantage des relations commerciales que du soutien à l'Ukraine. En juillet, il a fixé au 2 septembre la date limite pour que la Russie fasse des progrès vers la paix, puis l'a repoussée au 7-9 août, avant de remplacer brusquement les menaces de conséquences graves par des discussions sur les territoires ukrainiens à céder à la Russie. La date butoir est passée sans conséquence ; au lieu de ça, Trump a envoyé son envoyé spécial Steve Witkoff à Moscou le 6 août, où Poutine n'a fait aucune concession et a réitéré ses exigences maximalistes en matière d'annexion — une rencontre que Trump a qualifiée de « grand progrès ». Le lendemain, le sommet de l'Alaska a été annoncé et, dans la période qui a précédé, Trump a affirmé à plusieurs reprises que l'Ukraine devrait céder des territoires pour parvenir à un accord.

À la veille du sommet en Alaska, la Russie a de nouveau frappé l'Ukraine avec 85 drones Shahed et un missile Iskander, tuant des civils et détruisant des infrastructures. Sur le front, ses forces ont poursuivi leurs offensives, sans nouvelles sanctions américaines, maintenant ainsi la machine de guerre en marche.

Dans ce contexte, le sommet a abouti à quatre résultats clairs, tous à l'avantage de Moscou et au détriment de l'Ukraine :

1.  Normalisation des relations avec la Russie

L'accueil avec tapis rouge, les échanges personnels chaleureux et les éloges publics de Trump ont marqué une nouvelle étape dans la réhabilitation internationale de Vladimir Poutine. Les deux hommes ont qualifié les discussions d'« extrêmement productives » et de « très chaleureuses ». Poutine a invité Trump à Moscou pour le prochain round.

2. Suppression des sanctions

Les mesures autrefois présentées comme inévitables ont disparu. Dans une interview accordée à Fox News après le sommet, Trump a confirmé qu'« en raison de ce qui s'est passé aujourd'hui », aucune mesure punitive n'était plus envisagée. L'influence des États-Unis s'est évaporée en un après-midi.

3. Pression sur l'Ukraine pour qu'elle cède des territoires

Trump a admis dans la même interview accordée à Sean Hannity (Fox News) que lui et Poutine s'étaient « largement mis d'accord » sur les conditions d'un échange de territoires, laissant à Kiev le soin d'accepter ou de refuser. Ça fait passer les demandes de l'agresseur comme étant la responsabilité de l'Ukraine, rejetant la faute sur elle si la paix n'est pas assurée et récompensant l'invasion russe.

4. Le cessez-le-feu n'est plus nécessaire

Le cessez-le-feu immédiat que Trump avait exigé de l'Ukraine sous la contrainte, qui a coûté la vie à de nombreuses personnes, sans aucune pression réciproque sur Poutine, a été abandonné. Trump a maintenant complètement adopté la position russe pour un soi-disant accord de paix permanent.

En substance et en symbole, l'Alaska n'était pas un pas vers la maîtrise de l'agression russe, mais un pas vers son acceptation. Le prétendu revirement envers l'Ukraine s'est dissous dans un rapprochement plus profond avec la Russie.

Toute nouvelle sanction visant à punir la guerre de conquête de la Russie a disparu, la justice pour les crimes de guerre a disparu, et le fardeau de mettre fin à la guerre a été transféré du coupable à la victime.

Malgré toute l'hypocrisie de Washington et son histoire mouvementée en matière de respect de l'ordre juridique d'après-guerre qu'il a contribué à créer à Nuremberg, accueillir Poutine, un criminel de guerre recherché, marque un nouveau creux. N'oublions pas que Poutine est recherché pour l'enlèvement de milliers d'enfants des zones occupées par la Russie en Ukraine vers la Fédération de Russie.

Le sommet a offert une victoire au Kremlin et a reproduit le scénario d'apaisement des années 1930, qui a récompensé l'agression et enhardi les autoritaires montants. On peut affirmer que l'ordre international d'après-guerre est bel et bien révolu, avec l'effondrement de ses principes fondamentaux et l'affaiblissement des institutions face à la montée de l'autoritarisme et à l'agression incontrôlée.

C'est l'axe réactionnaire Trump-Poutine à l'œuvre : un réalignement stratégique qui normalise un criminel de guerre inculpé, démantèle la pression contre son régime et exige que l'Ukraine paie le prix d'une « paix » qui renforce l'occupation russe.

Les dirigeants européens ont salué Trump et le sommet de l'Alaska, Keir Starmer déclarant que « le leadership de Trump dans la recherche d'une fin aux tueries doit être salué ». Cette réaction accommodante des partisans de Trump lui fait le jeu, renforçant l'image factice qu'il veut projeter tout en camouflant son aide réelle aux objectifs du Kremlin. En le présentant comme un artisan de la paix crédible malgré sa volonté de normaliser les relations avec Poutine sans concessions réelles, on légitime Trump dans sa remise en cause de la souveraineté de l'Ukraine et on encourage la Russie. Cela affaiblit également le mouvement syndical et ceux qui défendent la démocratie aux États-Unis mêmes.

Il existe une alternative à la trahison.

Pendant toute une année, on nous a dit que la ville de Pokrovsk, dans la région du Donbass, allait tomber aux mains de la Russie. Un an plus tard, malgré le manque d'aide, l'Ukraine tient toujours la ville. Celle-ci, ainsi que d'autres villes, ne doivent pas être livrées à l'occupation russe. La résilience ukrainienne devrait prouver qu'il existe une alternative à la trahison si l'aide dont l'Ukraine a réellement besoin pour garantir une paix juste lui était fournie.

Il y a une alternative, que le mouvement syndical doit affirmer comme le dit la campagne de solidarité avec l'Ukraine « Une autre Ukraine est possible – Libérée de l'occupation ». Le mouvement syndical, la société civile et le gouvernement travailliste doivent rejeter tout accord légitimant l'occupation russe et mobiliser un soutien militaire, financier et diplomatique. Ça veut dire augmenter les livraisons d'armes, saisir les avoirs russes, annuler la dette de l'Ukraine et imposer des sanctions plus sévères. La justice internationale doit poursuivre les crimes de guerre et assurer le retour des enfants enlevés.

La voie à suivre ne doit pas être celle de l'apaisement envers les nouveaux autoritaires, mais celle du soutien à une Ukraine démocratique et unie, libérée des oligarques et des occupants. Cela signifie résister à la conquête territoriale et se tenir aux côtés de ceux qui, en Ukraine, luttent pour la justice sociale, l'égalité et l'autodétermination, pour un avenir fondé sur la solidarité et non sur la capitulation devant de nouvelles formes de fascisme.

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Christopher Ford est un historien et militant politique britannique.

Organisateur de la Ukraine Solidarity Campaign, il a beaucoup contribué à la formation et au développement du Réseau européen de solidarité avec l'Ukraine (RESU). Il a écrit plusieurs livres et articles sur l'histoire du travail en Ukraine. Un de ses livres a été traduit en français: « Ukapisme – Une Gauche perdue. Le marxisme anti-colonial dans la révolution ukrainienne 1917-1925 ». Il est l'éditeur de « Borotbism A Chapter in the History of the Ukrainian Revolution » d'Ivan Maistrenko.

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